Aller-retour est une œuvre textile réalisée à quatre mains. L’installation, légère et imposante, se compose de six grands panneaux de voilage portant des interventions en broderie sur les deux faces (recto-verso). Chacun des panneaux de 2,75 x 1 m (275 x 99 cm) a été brodé et orné d’appliqués par les deux artistes en arts textiles dans une démarche parallèle. Elles ont d’abord collaboré à distance pendant quelques mois dans une formule de va-et-vient, notamment dans le contexte de voyages culturels en divers lieux un peu partout dans le monde. Le thème du voyage et de la diversité s’est rapidement imposé, tout comme l’idée de déambulation. Un peu comme un album de flashes et de souvenirs instantanés, les références visuelles s’y accumulent, suggérant une trame narrative qui trace les pérégrinations des deux globetrotteuses.
Les artistes ont d’abord instinctivement laissé émerger l’approche qu’elles mettront de l’avant pour occuper ces grandes surfaces. Colette A. Balcaen a investi l’espace en faufilant un fil coloré qui zigzague sur l’étoffe blanche tel un sentier, comme un itinéraire aléatoire. Par la suite, elle a réalisé deux panneaux représentant ses souvenirs d’Asie. De son côté, Lise Létourneau, alors en voyage à l’étranger, a plutôt exécuté des appliqués en petits formats, dans l’idée de les intégrer à son retour sur les panneaux de voilage. Elle a profité de son itinérance pour se fournir localement de matériaux, ajoutant à ses réalisations un référent culturel littéralement physique, entre la relique et le souvenir de voyage.
Une fois le tout réuni, la tridimensionnalité de l’ensemble s’est imposée, tout comme certaines qualités sculpturales se sont révélées : la transparence du canevas de voilage qui sert de base aux travaux de broderie et d’appliqués est mise à partie avec des ouvertures et des percées. Les interventions proposent une lecture « recto-verso » de chaque panneau, lui donnant une double lecture, telle la réalité tangible d’un lieu par opposition au souvenir que l’on en garde : l’icône s’y déploie tantôt comme un objet concret (le tissu, les couleurs, les motifs, les référents), tantôt comme un souvenir (ombres projetées, silhouettes) selon le côté qui est vu.
L’installation des six panneaux fera en sorte que les visiteurs pourront y déambuler. Les panneaux seront tendus comme des oriflammes dans une configuration qui suscite l’errance, suggérant un déplacement au visiteur afin qu’il puisse apprécier les deux côtés (recto-verso) de l’œuvre.
Christine Dufour