2015, L'islet-sur-mer, Québec

Les surgies du fleuve

Tout un groupe d’écoliers partit en excursion. Ils voulaient à tout prix voir des surgies. Ils cherchèrent toute la journée et ils n’en trouvèrent pas. Ce n’est que lorsqu’ils eurent abandonné leur projet insensé que les surgies sont apparues…

En retard, celui-là. Occupé ailleurs. À se travestir. À mettre ses rubans. À se peigner dans le miroir. Parce que l’eau est un miroir. Et celui-là veut être beau comme le soir.

Une autre arrive. C’est une surgie, elle aussi. Elle a des pieds et des mains. Elle marche comme un crabe. Elle cherche des miettes de pain. Et elle sourit quand on lui parle.

Deux, trois, quatre. D’eux, on ne connaît rien. Un détroit les attend. Des pattes, ils en ont quatre. Le soleil pleure dans leurs yeux. Ils ont tous les talents, mais ils sont si paresseux. Surgir, ça demande un effort, même si ça ne dure qu’un instant.

Voilà. Vous ne les comptiez plus. Des douzaines à perte de vue. Ils sont si jeunes. Ils ont des jambes. Ils courent. Cherchent la mère, trouvent la mer. On leur apprendra l’orthographe à l’école.

Louis-Philippe Hébert

Alors, les surgis sont ainsi. Et voilà donc comment ils sont. Ça s’explique. Ils attendent leur moment. Ils savent que rester cachés ce n’est jamais pour longtemps. Ils préfèrent surgir avant d’être débusqués.

Surgir, c’est d’abord se cacher. Comment surgir si on n’y est déjà ? Alors, on respire en mettant son bras sur l’arbre et en comptant jusqu’à cent avant de surgir pour un tout petit instant. On pratique ça quand on est enfant.

Louis-Philippe Hébert






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