Éliana Castro et moi avions choisi les tissus dans le quartier des textiles de Buenos Aires en fonction des couleurs prédominantes de la steppe patagonienne. Nous avions privilégié un secteur de la réserve San Pablo où poussaient de petits arbustes appelés olivinas, en raison de leur couleur rappelant les oliviers. La couleur vert argenté des collines faisant contraste aux 16 mètres respectifs de tissus orange et vert foncé. Puis, nous avons attendu une journée où le vent soufflait juste assez fort pour faire voler les voiles.
En Patagonie, où les plateaux sont balayés par des vents, Lise et Eliana ont tenté de maintenir à distance de longues étoffes qu’elles tenaient par les extrémités. Formellement, les photographies documentant cette expérience rappellent certaines œuvres canoniques du land art… Si les intentions des artistes peuvent sembler proches de l’esprit du projet Au fil de l’eau, il n’en demeure pas moins qu’au cœur du land art, il y a l’idée de conquête et d’appropriation, symbolique ou concrète ; ici, il s’agit en effet, de donner forme, autrement dit de sculpter le vent. Les expériences du projet Au fil de l’eau n’aboutissent-elles pas exactement à l’inverse, le voile épouse les formes que lui insufflent les variations du vent ?
Edith-Anne Pageot, Géographies de l’impalpable, Catalogue d’exposition Au fil de l’eau – IU SOLI, 2012.